« Promenons-nous dans les bois » : retour sur la création de l’outil forêt et conseils d’utilisation
- Aude
- il y a 6 jours
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Dernière mise à jour : il y a 26 minutes

Nous avons proposé de nous entretenir avec Gwen Delhaye, ingénieure agronome en eaux et forêts de la Faculté universitaire de Gembloux (ULiège), enseignante en Centre provincial d’enseignement agronomique de La Reid depuis 1997 (secondaire, promotion sociale et supérieur).
Elle est l’une des créatrices de l’outil pédagogique « Les forêts sous le prisme des ODD ». Nous lui avons demandé qu’elle nous raconte comment l'outil avait été conçu et quels étaient ses conseils pour une appropriation facile et réjouissante dans vos cours.
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L'outil forêt peut être librement téléchargé ici : https://www.efdd-asbl.org/outil-n4-forets-odd
Les intervenant·es sur cet outil sont (par ordre alphabétique) : Paul Boxus, Gwen Delhaye (pilote), Corinne Evrard, Christine Gonda, Marina Gruslin, Bernard Legros, Marielle Puit et Fawiye Tcha-Aclesso.
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Un questionnement sur nos objets du quotidien
Si on réfléchit à (re)mettre dans une perspective de durabilité nos pratiques et objets du quotidien, on peut d'abord penser à questionner notre alimentation, nos vêtements, nos déplacements. Or, pendant la période du Covid, les ruées vers certains produits essentiels ont repositionné ce questionnement par exemple au... papier toilette ! En effet, on avait pu observer que des gens « dévalisaient » les stocks des magasins.
Mais d’où vient ce papier toilette ?
Il est constitué de fibres de bois, donc il vient de la forêt !
Ainsi, sur le mode d’une boutade initiale, Gwen Delhaye nous a raconté l’origine de la création de notre outil pédagogique construit autour de la forêt. Pas bête : beaucoup de nos activités les plus élémentaires peuvent se faire au détriment de la forêt et nous n’en avons pas toujours conscience.
Un premier groupe de travail s’est alors constitué avec Marielle Puit (qui n’est plus à l’asbl aujourd’hui), Marina Gruslin et Gwen Delhaye. Ce premier GT a listé toutes les questions importantes à traiter pour les forêts de nos latitudes, mais aussi celles du Sud qui nous fournissent en objets courants. L’idée du photolangage (avec photo au recto + texte au verso) est arrivée car celui-ci permet de travailler sur les représentations des personnes, leur lien avec la forêt et leur conscientisation de ces liens :
« Quand je mange du chocolat, je n’ai pas l’impression que ça vient d’un arbre J’ai peut-être une idée vague d’une origine agricole, mais je n’ai pas toujours l’idée qu’une cabosse pousse sur un arbre, ni dans quelles conditions sociales ces produits sont récoltés et transformés. »
Pour « y voir plus clair » sur la cabosse, un site en anglais :
Avec cet outil, il s’agissait dans un premier temps de « sensibiliser » les gens sur leur lien à la forêt. Et, dans un second temps, de mettre en lumière les critères de choix pour les biens et services en tant que consommateur·ice : comment choisir ce qui respecte le plus possible les forêts dans toutes les dimensions du développement durable.
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Apporter de la connaissance de manière sensible
Lors de notre interview, nous nous sommes questionnées sur la manière d’articuler des connaissances techniques et une approche plus sensible qu’offre aussi la forêt. Pour pouvoir agir de manière responsable, il est nécessaire d’avoir un minimum de connaissances. L’apport de savoir est une dimension importante de l’outil et le dossier pédagogique a été conçu dans cette optique.
Il n’est pas nécessaire d’avoir une connaissance fine du monde forestier pour oser la fréquenter et la questionner dans son cours ! Ainsi, quelle que soit la matière enseignée, il est toujours possible de déterminer son propre point de départ en matière de connaissance et de creuser une thématique spécifique, et de faire en sorte que les jeunes s’informent sur un dossier.
« Est-ce que vous savez que les arbres sont en lien avec les champignons, en lien entre eux par les racines ? »
On peut aussi tourner l’outil dans le sens qu’on souhaite privilégier et mettre davantage l’accent sur la forêt ou sur la partie développement durable et Objectifs de développement durable (ODD).
Revenons un peu au terme de « sensibilisation » qui signifie tout autant donner du sens et convoquer les sens : aller en forêt, convoquer l’imaginaire de la forêt. Sensibiliser c’est aussi « impressionner » l’esprit comme la lumière (les connaissances) sur une plaque photographique sensible et, par là, permettre que les connaissances soient intégrées pour être mobilisées quand il s’agira de faire des choix par rapport aux produits de la forêt. Les connaissances apportées feront office de lumière. On pourra alors éclairer le sujet de manière large et très renseignée, ou utiliser différents réglages de connaissances comme on a vu plus haut pour cibler certains aspects !
Avec cet outil, pour associer le sensible et la connaissance, on pourra envisager une rencontre avec un agent forestier, faire une promenade en forêt à la découverte de cet écosystème. On pourra organiser cette promenade avant le cours pour introduire la thématique par les sens ou après pour développer un aspect traité dans le cours. Les élèves ne connaissent pas forcément bien la forêt, elle est parfois vue comme une sorte de décor.
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Une invitation à se questionner au cœur de la forêt

Photo Gwen Delhaye.
La forêt n’est pas non plus perçue par tout le monde comme un endroit intéressant à découvrir. Ce n’est pas un terrain bétonné et imperméable : il n’est pas plat et certaines personnes peuvent avoir des difficultés pour y cheminer (dues à la sédentarité qui rend nos corps moins mobiles, à un handicap, à des équipements peu adaptés).
Il peut y avoir des peurs, comme celle de se perdre hors de nos repères habituels, réels ou imaginaires, des mémoires de contes et de la présence de monstres.
L'intérêt pour la forêt est aussi un point à questionner et à soutenir, si c’est le cas, en sollicitant une ou des personnes habituées pour la promenade.
Ce qu’on peut questionner autour de la forêt :
Réinterroger notre lien avec le vivant. En lien avec un cours de français et les histoires qu’on peut se raconter autour de la forêt. Quel est notre rapport au vivant, de son côté du sauvage et surprenant, dont la part de mystère peut aller jusqu’à l’incontrôlable. « C’est plus facile de le faire avec des forêts qu’avec des champs de maïs », qui est du vivant contrôlé.
Revisiter l’histoire du territoire et des peuplements forestiers dans leur étendue et leur qualité. À l’époque romaine, le couvert forestier était plus important chez nous. On peut également réfléchir à la logique des déforestations historiques chez nous et actuelles au Brésil.
Mettre en lumière les différentes étapes depuis la semence jusqu’à l’arbre qui sera exploité. Évidemment, un arbre peut pousser tout seul, mais si on se place dans l’optique d’un « produit arbre / bois qui soit efficace » quelles seraient les interventions à mener, et à quelles étapes du développement de l’arbre ?
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Retours sur les animations et conseils
Avant d'exposer quelques idées, nous illustrons le photolangage (ici le recto verso est déplié) avec deux exemples de cartes qui amènent une réflexion sur deux axes de la santé : la santé physique et la santé mentale, le bien-être et le lien au vivant.


Pour les cours, on pourra :
Organiser l’espace pour permettre des échanges par petits groupes autour du photolangage. Si on a une vingtaine d’élèves, on pourra faire une double copie des cartes pour en avoir suffisamment à disposition. C’est très intéressant de faire dialoguer les étudiant·es entre elleux sur leurs découvertes par rapport à la forêt, et de la manière dont iels vont associer les ODD aux différentes cartes. Cet espace de rencontre peut être très riche et surprenant. « Chacun a ses savoirs propres et peut les partager aux autres. »
Faire les liens avec les ODD et entre les ODD. L’interconnexion des objectifs ressort souvent lors des animations. « On n’imaginait pas le lien entre la qualité de l’eau et la santé du travailleur. »
Faire des liens avec d’autres cours ou des communications de l’établissement autour des ODD. Par exemple, les ODD sont repris sur la dernière page du journal de classe de la HEPL. C’est l’occasion de faire des liens, de découvrir les concepts, les enjeux et des applications concrètes. Si un forestier utilise de l’huile de tronçonneuse biodégradable, c’est intéressant pour sa santé, mais aussi pour l’écosystème, et pour encourager économiquement des filières durables.
Apporter des objets et des produits transformés issus de la forêt : des planches à pain, du chocolat, une chemise en viscose faite à partir de cellulose (la fibre peut venir d’eucalyptus ou de peuplier). Favoriser les liens avec les objets du quotidien et discuter de ces liens. « Voir la surprise d’une personne avec l’information apportée par l’autre. »
Faire se rencontrer des pratiques ou des professions de la filière bois qui ne se connaissent pas forcément : apporter de la connaissance forêt à des menuisiers (étudiant·es ou enseignant·es), apporter de la connaissance menuiserie à des forestiers (idem).
Créer une visite mémorable en forêt comme un parcours dont vous êtes le héros ou un quizz forestier : à un carrefour posez une question et, selon la réponse, proposez d'aller à tel ou tel endroit. Les réponses sont données sur le parcours. Organiser un moment d’écriture en forêt à partir d’une approche sensorielle.

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Actualités mai-juin 2025
Le 15 mai 2025, fêtons le printemps à la Maison du développement durable de Louvain-la-Neuve avec un atelier forêt (toutes les infos et inscriptions ici). Voir notre précédent article de blog sur un atelier forêt à Louvain-la-Neuve ici.
Un documentaire Arte disponible jusqu'au 16 juin 2025 ici.
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