Source image : Richard R. Schünemann sur Unsplash.
En 2023 et 2024, Paul Boxus, qui enseignait les sciences au Collège Saint-Louis de Liège, a déployé notre activité pédagogique sur les controverses climatiques (avion, viande, hydrogène) dans ses classes. Nous nous sommes entretenus avec lui hier pour un retour d’expérience sur la manière dont il se l'est appropriée.
Si vous souhaitez en savoir plus ou échanger à ce sujet avec lui, vous pouvez le contacter à l’adresse mail : boxuspaul@gmail.com / Notre activité est téléchargeable ici.
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Pourquoi mettre en jeu une controverse climatique ?
Quel est le problème à résoudre et quels sont les enjeux de la séquence ? Paul Boxus expose à ses élèves en début d'activité ce qu'il appelle le "triangle pédagogique" : le but de la séquence, les moyens utilisés et la motivation à réaliser l'activité.
But (permet d'acquérir des savoirs et des savoir-faire qui permettront d'acquérir des savoir-être) :
travailler sur des sujets qui influencent notre climat et qui font débat dans notre société,
prendre conscience qu'il n'y a pas de solutions faciles et que les compromis dans une société démocratique sont nécessaires,
prendre conscience que défendre une opinion demande des connaissances sur ses arguments et les contre-arguments que l'on pourrait y apporter,
prendre conscience qu'une discussion demande une préparation et des compétences (la rhétorique !).
Moyens (permet surtout d'acquérir des savoirs et des savoir-faire) :
une mise en question avec des films qui posent des constats et des solutions possibles,
des dossiers de presse qui balayent les diverses opinions et groupes d'influences,
des mises en situation, jeux de rôles, débats, écoute de l'autre et rédaction d'un texte qui vise à un compromis.
Motivations (permet surtout d'acquérir des savoir-faire et des savoir-être) :
apprendre autrement, en jouant, en se confrontant à ses propres questionnements et ceux des autres sur la société de demain,
apprendre à exprimer une opinion, à défendre des valeurs, à écouter les autres, à chercher des compromis.
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Une activité au service d’une stratégie pédagogique
Cette activité peut être mise en place sur plusieurs heures de cours. Vous trouverez (page 12 du guide) un tableau pour guider vos choix de controverse et de stratégie pédagogique.
Sur les deux dernières années, Paul Boxus a déployé l’activité « Controverses climatiques ? Dialoguons ! » dans 5 classes. La première année, il a d’abord mis en place l’activité pour 3 classes, sur une durée totale de 8 heures par classe.
Suite à cette première expérience, en 2024, il a procédé de cette manière, avec :
Le rappel des thèmes du film « Animal » de Cyril Dion, visionné l’année précédente, et lien avec les thèmes du film « Demain » du même auteur : 1 heure.
La mise en place d’une controverse climatique : une classe avec l’avion, l’autre classe avec la viande : 6 heures.
Les risques systémiques du 21e siècle, constats et solutions sur 52 pages : 2 à 3 heures.
Entrée en matière et mise en place de l'activité
Le rappel des thèmes du film « Animal » a été l'occasion de recueillir les réactions de la classe sur ce que le film a provoqué parmi les élèves. Généralement il y a peu de réponses, ou des réponses élusives : « on y a beaucoup réfléchi, on aurait dû, on devrait ».
C'est l'occasion d'introduire le jeu de rôle au cœur de l'activité « Controverses climatiques » : « on va voir ce qu'on peut concrètement faire et si on peut prendre la parole ». L'objectif de la mise en place du jeu de rôle est d'établir un dialogue constructif sur un sujet clivant et d'aboutir à un texte rédigé de consensus.
Le déroulé de l'activité pédagogique
Le jeu de rôle prévoit pour chaque controverse de regrouper les avis au sein de trois groupes plus ou moins favorables ou défavorables à l'objet de la controverse. Paul Boxus a créé les groupes pour qu'ils soient équilibrés et que chacun·e soit à l'aise pour contribuer.
Dans l'exemple ci-dessous (Avion, année scolaire 2023-2024), il a nommé les groupes d'opinion de manière plutôt positive pour favoriser l'engagement dans le groupe : 1. Croissance équilibrée (bleu) 2. Tourisme durable (vert) 3. Mobilité équitable (terracotta).
Premier temps (1 heure) : les élèves prennent connaissance de leur groupe d'opinion (lecture de la revue de presse) et de leur personnage. Iels s'appuient sur des cartes personnages (5 par groupe) ou créent leur personnage (il y a plus de 15 élèves par classe !). Entre les cours, les élèves sont invités à incarner leur personnage avec des accessoires ou des vêtements : « on peut se déguiser, habiter son personnage, se baigner dans le personnage et l’incarner ».
Deuxième temps (1 heure) : les élèves préparent une argumentation par rapport à leur personnage. Iels passent les uns après les autres et le professeur note au fur et à mesure dans un document PowerPoint le thème du groupe, les personnages, et une phrase-slogan que les élèves sont invités à écrire (voir ci-dessous).
Cliquez sur la première image pour lire le contenu des diapositives :
Troisième temps (1 heure) : chaque groupe se présente et chaque personnage annonce son/ses arguments.
Quatrième temps (1 heure) : on commence à préparer le débat en travaillant une contre-argumentation par rapport aux autres groupes. Chaque personnage va choisir deux personnages, un dans chaque groupe et va préparer une contre-argumentation par rapport à son propos. Les contre-arguments sont notés par l'enseignant sur le diaporama.
Cinquième temps (1 heure) : c'est l'heure du débat contradictoire, avec mise en avant des priorités et des argumentations, des limites d'acceptation. L'objectif est d'élaborer un texte de consensus. Des secrétaires sont chargés de prendre des notes.
Sixième temps (1 heure) : chaque groupe travaille une proposition de texte à amender. Des secrétaires sont chargés de prendre des notes. L'objectif est d'élaborer un texte de consensus qui reprend leurs argumentations et qui intègre les contre-propositions faites par les autres. Des secrétaires sont chargés de prendre des notes.
Septième temps (temps perso) : amendement d'un texte adopté par les différents groupes : « Tu les prépares à devenir ministres ! » Pour les questions juridiques et économiques, des liens sont faits avec le cours de sciences sociales et éducatives. C'est aussi l'occasion de déterminer à quels niveaux de pouvoir et institutions les différents sujets et propositions se rattachent.
Et après ? Une réflexion sur les enjeux actuels
Après cette expérience de jeu de rôle amenant à discuter pour trouver un consensus, deux à trois heures de cours sont consacrées à la connaissance des enjeux du 21e siècle : les risques systémiques et les solutions qui existent actuellement.
L'évaluation de l'activité
L'activité a été évaluée sur l'axe de la participation et de la prise de parole (10 points) et d'un texte final de deux pages (20 points). Le texte doit présenter les arguments, les contre-arguments et le détail du consensus, éventuellement des références / sources complémentaires. Sur l'année, l'évaluation de cette activité représente 10 % de la cotation totale (300 points).
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Trois questions à Paul
Qu'est-ce qui t'a amené à mettre en place cette activité des controverses climatiques dans tes classes ? C’est un sujet qui me parle et me motive dès le départ : j’ai fait la botanique parce que j’étais intéressé par la nature, et après j’ai été éco-conseiller en environnement dans les communes. Par rapport à mon poste d’enseignant : quand j’enseigne aux sciences de base, je dois leur donner de la méthodologie pour pouvoir aborder des études supérieures et je dois leur donner des savoirs citoyens. Et ça correspond tout-à-fait. Savoir parler, savoir rédiger une synthèse, savoir aller chercher des informations, c’est tout ce que nous avons fait avec cette activité. Elle a aussi permis aux élèves de s’essayer à la prise de parole, de tester son argumentation, le cas échéant de se réajuster. On n’est pas seulement dans les savoirs, mais dans les savoir-être, et dans les savoir-faire. Surtout dans les savoir-être.
Qu'est-ce que tu donnerais comme conseils à un enseignant qui voudrait mettre en place l'activité dans sa classe ? Il faut qu’il possède le sujet et qu’il se sente à l’aise avec le fait d’avoir de l’effervescence dans sa classe. Ça doit être un enseignant qui a l’habitude de gérer des débats, qui a l’habitude de gérer des dynamiques de travail en classe parce que tu peux vite être débordé. À un moment donné, les sujets peuvent amener de la dispute, et tu dois pouvoir ramener le respect des consignes et le respect de chacun. C’est l’occasion pour un prof que ces sujets intéressent de pouvoir les mettre en place de manière active et dynamique. Ça peut aussi être un projet qui se construit avec l’aide de la direction pour favoriser la mise en place de collaborations.
Est-ce que tu aurais une anecdote de quelque chose qui t'aurait surpris, amusé, touché à cette occasion ? Ce qui est touchant c’est dès que tu les fais venir au tableau quand ils doivent se présenter. Ils donnent d'abord leur vrai nom, puis ils se présentent en tant que leur personnage. À chaque fois c’est une découverte parce que je découvre l’élève. Quand on joue la comédie comme ça en classe, il y a énormément de choses qui passent entre l’enseignant et l’élève et les autres élèves. Ça permet à tout le monde d’être davantage lui-même qu’il ne l’est d’habitude où il répond quand tu lui donnes la parole ; là il est plus actif : « même s’il joue la comédie, il est plus lui-même que quand tu lui fais jouer la comédie d’un élève ». C’est cette tendresse-là que je garde, et ce sourire que j’ai de complicité.
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Pour aller plus loin
Pour télécharger l'activité pédagogique, c'est ici.
Cette activité a été développée avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin, que nous remercions. Vous pouvez aussi télécharger notre activité sur leur site : ici.
Un article de notre ancien collègue, François Clarinval, auteur du jeu de rôle : ici.
Pour prendre contact avec Paul Boxus : boxuspaul@gmail.com
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