Pas de recette magique, mais une série d’ingrédients à tester, doser et mélanger
Pour mobiliser sur les campus de l’enseignement supérieur pour la Transition sociale et environnementale, voici plusieurs ingrédients :
Agir ensemble
Groupe sain
Tout d’abord, pour mobiliser, il est important de constituer un groupe sain. Ce groupe peut s’appeler Comité de Pilotage Développement Durable (DD), Commission DD, Cellule Durabilité, Ecoteam, Green Office ou tout autre nom choisi par le groupe.
Le Réseau Transition souligne que la composition de ce groupe sain évolue dans le temps : le groupe initiateur de 5 à 8 personnes va poser les premières bases et le cadre de travail puis le groupe noyau va ensuite réaliser des actions sur le terrain. Le groupe initiateur et le groupe noyau peuvent être composés des mêmes personnes ou non.
Idéalement, ce groupe sain est constitué de personnes avec des profils et des compétences différentes, en essayant d’être le plus représentatif possible de l’ensemble de l’Etablissement d’Enseignement, en terme de fonctions (enseignant·es, personnel administratif et ouvrier, chercheur·euses, étudiant·es, membres de la direction, …), mais aussi des différentes sections et implantations.
Ce groupe se rassemble autour de valeurs communes (e.g. bienveillance, écoute, confiance, respect, empathie, solidarité, collaboration, co-construction, …) et partage une vision commune de la Transition (si nous devions rêver d’un campus durable, à quoi ressemble-il ?). Il est important de prendre le temps de travailler sur les valeurs et la vision commune car cela permettra de se fixer des objectifs communs, tout en respectant qu’il existe différents chemins pour atteindre ces objectifs et que chacun a le droit de s’investir à son rythme.
Il est d’ailleurs intéressant d’identifier clairement différents rôles pour permettre et valoriser différents degrés d’intensité dans l’engagement dans la démarche de Transition :
membre du groupe qui réfléchit à la vision large, plutôt stratégique et au cadre de fonctionnement (souvent les membres du comité de pilotage DD)
ou membre d’un groupe de travail spécifique sur une thématique qui tient à cœur
ou encore ambassadeur·rice de la démarche qui est là en soutien ponctuellement.
Un autre point d’attention est la définition d’un cadre de fonctionnement pour ce groupe (via une charte validée par la direction par exemple) : quelles sont ses missions ? l’articulation dans l’organigramme de l’Etablissement ? son champ d’action ? comment les décisions sont-elles prises ?
Pour conserver la motivation, il est aussi primordial d’organiser des réunions efficaces, d’établir des dispositifs de gestion des conflits, de prévoir des mécanismes pour quitter le groupe ou accueillir de nouvelles personnes au sein du groupe.
La création de groupes de travail thématique permet de regrouper les personnes motivées selon leur centre d’intérêt.
Impliquer et rassembler
Mobiliser pour la Transition, c’est aussi proposer à chaque membre du campus de s’impliquer avec l’intensité et la fréquence qu’iel souhaite. Cette implication peut être consultative (vote, répondre à une enquête, …), sous forme de participation ponctuelle (évènement mobilisateur, hackathon, …) ou d’engagement plus soutenu (participation à un groupe de travail, être membre du Comité de pilotage DD, …).
Une autre astuce consiste à aller parler aux personnes là où elles se réunissent déjà :
à la cafétéria,
dans des groupes existants (cercles étudiant·es, kot à projet, amicale du personnel, …),
lors de réunions dans les organes existants (conseil des étudiant·es, conseil de Faculté/Département, …)
ou lors d’évènements récurrents (journée d’accueil des premières, journée pédagogique, …).
Une discussion en direct aura souvent plus d’impact qu’un mail ou une affiche.
Il existe souvent de nombreuses initiatives positives sur les campus, sans pour autant qu’elles soient labellisées/se revendiquent Transition ou Développement Durable. L’enjeu est de rassembler et valoriser ces initiatives en leur disant : « bravo, vous contribuez à une démarche globale du campus, en même temps que tous ces autres acteurs ! » Cela permet d’augmenter la visibilité de ces initiatives, montrer que ça bouge au sein du campus et aussi de créer de belles synergies. Un plan stratégique ou un plan d’actions en faveur du DD peut servir de fil rouge entre les initiatives et les renforcer.
Collaborer
L’Objectif de Développement Durable 17 concerne les partenariats, qui sont indispensables pour réussir la transformation en profondeur des campus et plus largement de la société. Mobiliser, c’est aussi nouer des collaborations et des partenariats en interne (service social, sport, culture, …) et en externe (réseaux, associations, acteurs du territoire, entre Etablissements d’Enseignement Supérieur, …) pour partager des ressources, des bonnes pratiques, des idées, co-construire des projets, croiser les approches et les disciplines, …
Des exemples de réseaux actifs en Fédération Wallonie-Bruxelles sont :
D’autres ressources intéressantes pour identifier des potentielles collaborations sont :
La charte pour un enseignement à la hauteur de l’urgence écologique
Plateforme de référencement des cours et des formations qui traitent des enjeux socio-environnementaux dans l'enseignement supérieur belge : Education4climate.be
La plateforme collaborative européenne Education for climate
Conserver la motivation
La plupart des personnes qui participent à la Transition le font bénévolement, en plus de leurs activités habituelles. Pour créer et conserver la motivation, un conseil simple et redoutablement efficace : dire MERCI ! Il faut également valoriser l’engagement et l’énergie déployée et prendre le temps de célébrer ensemble les avancées, dans la convivialité (voir la branche du mindmap à ce sujet).
La Transition des campus est un processus lent et complexe, avec des victoires et des échecs, ce qui peut générer de la frustration, de la démotivation, voire conduire au burn-out militant. Dès lors, il est important de prendre soin les un·es des autres pour favoriser l’engagement sur le long terme, d’être à l’écoute des besoins primaires (manger, être au calme, faire une pause, trouver un équilibre vie pro-perso, …), de parler de ses éco-émotions et écouter celles des autres.
Ci-dessus, différents rôles au sein du comité de pilotage DD ont été présentés. Quand la charge est trop grande, chacun·e est libre de changer de rôle : passer de membre d’un groupe de travail à ambassadeur·rice par exemple. Cela évite un sentiment de culpabilité de ne pas savoir tenir ses engagements.
Faire le point et améliorer
Une année académique, ça défile vite entre les périodes de cours, les examens et les vacances. Il est parfois difficile de combiner les agendas pour trouver des moments pour se réunir et faire le point. Pourtant, il est essentiel de se poser pour prendre un peu de recul, évaluer les actions menées et comment se sent le groupe. Cela permet de se placer dans une dynamique d’amélioration continue, en identifiant les éléments qui ont bien fonctionné, les chose à améliorer et les points bloquants à résoudre. A la fin de chaque quadri, ou en fin d’année académique, le groupe devrait prendre le temps d’évaluer son avancement par rapport à ses objectifs. Si l’Etablissement est déjà muni d’un plan d’actions DD, c’est le moment de le mettre à jour avant de profiter d’une période de congé pour se ressourcer et repartir motivé·es à la rentré.
Autour d’actions concrètes
Il est plus facile de mobiliser autour d’actions concrètes. Parmi la multitude d’actions possibles à mener en faveur de la Transition, il est important d’identifier les actions prioritaires, qui répondent aux besoins de la communauté du campus. Cela passe par un processus de diagnostic, par des enquêtes en ligne ou en focus groupe, par des micros-trottoirs, … Toutes ces actions peuvent être structurées dans un plan d’actions DD pour répondre à différents objectifs, à court, moyen et long terme.
NB : EFDD propose un accompagnement méthodologique aux Etablissements d’Enseignement Supérieur, pour les soutenir et les outiller dans la mise en place d’un comité de pilotage DD et de sa gouvernance participative, ainsi que dans la réalisation d’un diagnostic et d’un plan d’actions DD.
Il est plus facile de recruter des personnes motivées pour des projets pratiques avec un ancrage local fort et qui ont des résultats visibles assez rapidement sur le campus, comme aménager un local détente ou un coin biodiversité.
De plus, il sera plus facile de motiver des personnes s’il y a déjà eu un projet pilote qui a fait ses preuves. En commençant par un projet pilote, on peut tirer les enseignements de cette expérience et montrer que ça marche pour étendre la démarche.
Pour augmenter la visibilité des actions, elles peuvent être organisées lors de journées thématiques (e.g. Journée Mondiale) ou les regrouper dans une semaine à thème ou un festival, en faisant écho à des évènements locaux, régionaux (e.g. BEWAPP) ou internationaux (e.g. COP).
Mettre l’accent sur la convivialité
Lors des réunions, dans les évènements et dans la communication sur la Transition, un aspect clef est de mettre l’accent sur la convivialité, le côté fun et festif : les personnes qui participent s’amusent et en retirent du positif !
La nourriture (saine, locale et de saison évidement), accompagnée d’un verre (lui aussi local), est un excellent vecteur de convivialité et permet de souder les groupes. Il ne faut pas hésiter à communiquer en amont des évènements sur la présence de nourriture et boissons gratuites.
L’être humain est joueur : les concours et les jeux attirent souvent du monde. Le défi est de trouver des prix ou des lots à gagner avec une faible empreinte (par exemple, un séjour dans la nature, un ticket de train, un panier garni de produits locaux, des places de cinéma …).
Comme mentionné au point « agir ensemble », il est important pour garder la motivation de célébrer ensemble les avancées, que ce soit de façon informelle en mode auberge espagnole ou lors d’une cérémonie plus officielle.
Générer des émotions positives et accueillir les éco-émotions
Le point précédent a montré que la convivialité est centrale pour mobiliser. En effet, elle permet de générer des émotions positives qui participent à la mise en mouvement.
Les discours sur les crises sociales et environnementales sont souvent alarmistes et défaitistes et génèrent des émotions négatives telles que la colère, la tristesse, l’anxiété, le découragement, la peur, le doute, … Dans cet article, toute la palette de ces émotions sous regroupées sous l’appellation « éco-émotions ».
Il est très important de pouvoir parler de ses propres éco-émotions et de les accueillir : en les identifiant, on peut les utiliser comme moteur pour l’action.
Pour aborder les émotions, il existe plusieurs dispositifs comme par exemple le Travail qui relie, des ateliers d’écriture, des cercles de paroles ou des formations sur l’éco-anxiété.
Parler avec son cœur, en laissant transparaitre ses émotions, permet de mieux toucher son public cible. En particulier, partager son dynamisme, son optimisme et ses raisons d’espérer - avec une touche d’humour - est un ingrédient clef pour générer des émotions positives et une mise en mouvement.
L’Art peut aussi être un vecteur de mobilisation, car il permet de susciter des émotions et de véhiculer des messages.
Communiquer de façon impactante
Un des grands enjeux de la mobilisation, c’est la communication. Mais comment communiquer de façon impactante ?
Comme développé au point précédent, l’être humain se met en mouvement grâce aux émotions positives. La communication a un rôle important à jouer pour susciter ces émotions positives.
Tout d’abord, pour contrer les discours négatifs, de privation, de vision sombre et catastrophique du futur, il faut mettre en avant le « MIEUX », tout ce qu’on a à gagner dans la Transition. Par exemple :
Une meilleure santé liée à une alimentation plus saine, une meilleure qualité de l’air et des modes de déplacements plus actifs.
Des liens renforcés dans une société de la collaboration et de la solidarité plutôt que de la compétition et l’individualisme
Des économies financières en évitant le gaspillage et les achats compulsifs et fréquents de produits de mauvaise qualité
Il est aussi important de rendre le future souhaitable, désirable, positif, mais aussi réaliste et palpable. Un futur qui donne envie de se mobiliser pour le voir advenir.
Voici un petit exercice pour le groupe sain présenté au point 1 : ses membres sont invités à se rassembler pour rêver de leur campus durable : à quoi ressemble une journée type dans ce campus du futur, comment s’y déplace-t-on, que mange-t-on, comment sont les liens entre les personnes, qu’apprend-on et de quelle manière, comment est la gouvernance, à quoi ressemble le cadre de vie, … ? Cela permet de travailler la vision commune évoquée ci-dessus. Après cet exercice, l’idéal est de communiquer largement sur cette vision du campus du futur et d’inviter les personnes à rejoindre le mouvement pour le construire ensemble.
Un autre levier est de partager des exemples positifs et inspirants, proche du public cible.
Il vaut mieux partager des témoignages d’acteur·ices de terrain avec des exemples concrets, qui parlent avec leurs émotions (par exemple, des personnes touchées par les inondations de juillet 2021), plutôt que des discours d’expert·es avec des chiffres et des graphiques.
Dans les communications, les photos avec l’humain au centre de l’action auront plus d’impact. Ces photos permettent à chacun·e de s’identifier en montrant de vraies personnes en train d’agir, en particulier si une attention est portée à la diversité des profils. Les photos des évènements et activités organisées sur le campus sont idéales pour rendre les futures communications plus attractives.
L’être humain a aussi besoin de récits positifs pour se mettre en mouvement. Il est donc indispensable de relayer et cocréer des récits positifs. Différents supports véhiculent des récits dans nos sociétés : les discussions, les livres, le cinéma, la tv, les réseaux sociaux, l’art, la musique, les contes, le théâtre … Ces supports véhiculent massivement la culture dominante, mais pourquoi pas aussi les récits alternatifs et positifs ?
Et surtout, il est essentiel de montrer à travers les communications que c’est simple d’agir afin de développer le sentiment de pouvoir agir.
Développer le pouvoir d’agir
Un autre ingrédient important dans la mobilisation est de contrer le sentiment d’impuissance en développant le sentiment de pouvoir agir.
Tout d’abord, chacun·e peut être un exemple inspirant pour les autres : en rendant visible ce qu’iel fait déjà pour la Transition et en parlant de ses succès et des bénéfices qu’iel en retire. De même, inviter les gens à partager ce qu’iels font déjà permet de développer leur sentiment de fierté et d’inciter les autres à agir de même, en particulier s’iels partagent ce qu’iels y gagnent. En même temps, il est aussi important de partager ses doutes et ses freins. En effet, les modèles de militant·es parfait·es et irréprochables ne sont pas atteignables. Au contraire, pour mobiliser, il faut une multitude d’exemples inspirants de personnes « ordinaires », qui font de leur mieux, sans attendre d’être irréprochables pour avancer. Nous avons le droit d’être incohérent et de ne pas tout changer en même temps, tant que nous avançons sur le chemin de la Transition individuelle et collective.
En fonction des sous-groupes au sein de public cible, il est intéressant de proposer plusieurs modèles d’acteur·ices du changement pour faciliter le processus d’identification à ces modèles. De plus, mettre en avant des personnalités locales qui agissent, permet de proposer des modèles proches de son public cible.
Enfin, pour que chacun trouve une manière d’agir qui lui correspond, il est nécessaire de visibiliser et de promouvoir une large palette de modes d’engagement. Par exemple, l’outil « Les saisons de l’engagement » d’Ecotopie propose 4 angles de vue différents sur la façon de mener la Transition : changer ses gestes du quotidien, remettre en question ses représentations du monde, agir collectivement dans la convivialité et transformer en profondeur les institutions. Un autre exemple est le concours photos « Mes gestes climat » d’UNI for Change dont l’objectif était d'illustrer la grande variété des gestes en faveur du climat réalisés par des étudiant·es et des membres du personnel de différents EES.
Inviter à agir dans les cours
Pour toucher au-delà du cercle des convaincu·es et tenir compte du temps limité, un levier important est de mobiliser dans le cadre des cours, que ce soit à travers des travaux de groupe, des stages ou des TFE ou encore via un cours transversal dédié à la Transition. La participation peut être favorisée par différents dispositifs pédagogiques. De plus, la motivation des étudiant·es peut être renforcée par le lien direct entre la matière vue au cours et sa mise en action dans le quotidien (lien entre enseignement et citoyenneté).
Ce point sur la mobilisation dans le cadre des cours mériterait d’être développé, mais ce n’est pas l’objet de cet article.
Ressources et soutien de la hiérarchie
Evidemment, mobiliser demande des ressources humaines, temporelles et financières. De plus, la mobilisation sera facilitée avec le soutien de la hiérarchie et une volonté institutionnelle affirmée en faveur de la Transition.
Origines du mindmap
Pour réaliser ce mindmap sur la mobilisation en faveur de la Transition sociale et environnentale, Sarah Robinet s’est nourrie de différentes sources citées ci-dessous, mais surtout de son expérience professionnelle dans l’enseignement supérieur francophone belge.
En effet, depuis 2020, elle participe au développement du programme d’engagement en faveur de la transition sociale et environnementale du Green Office ULiège et depuis 2022, elle contribue à sa diffusion vers les différents Etablissements d’Enseignement Supérieur (EES) de Fédération Wallonie-Bruxelles, à travers la dynamique UNI for Change.
En 2023, elle a rejoint l’équipe de EFDD où elle a accompagné certains EES dans leur processus de mise en place de comité de pilotage Développement Durable (DD), d’élaboration de leur plan d’actions DD, d’organisation d’évènements mobilisateur et de rédaction de plans d’actions DD. Finalement, elle a co-organisé la journée EES durables du 19 avril 2024 sur le thème de la mobilisation sur les campus, ce qui lui a permis d’approfondir ses connaissances et compétences sur le sujet.
Sources
Réseau Transition (2016) « Le guide essentiel de la Transition »
Fondation Roi Baudouin (2022) « Tous chauds pour le climat ! 10 conseils pour mobiliser votre public »
Revur Eduquer n°181 (2023) « Comment susciter l'engagement climatique? », revue Eduquer n°181 (2023)
Forum des jeunes (2023) « Mémorandum Être Jeune en 2023 - Perspectives d’une jeunesse aux 1000 visages »
Green Office ULiège (2024) « Une stratégie pour engager : les 6 piliers »
Téléchargement et droits d’utilisation
L’outil « Mindmap : mobiliser sur nos campus pour la Transition », créé par EFDD, est mis à disposition sous les termes de la licence Creative Commons CC BY-NC-SA 4.0. C’est-à-dire qu’il peut être partagé et utilisé de manière partielle, intégrale ou modifiée, du moment qu’il s’agit d’un usage non-commercial et qu’EFDD est cité pour sa création. Voir les modalités exactes de la licence (en anglais) : https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0
Le mindmap est téléchargeable en version png ou en version pdf.
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